Durée de l’activité: 30 minutes
Age recommandé : 15 ans et plus…
Comparative genomicsQuest for orthologs
Des gènes en bonus
– à vous de jouer
Sushi, biberon et menu végétarien
Contexte
Le transfert horizontal de gènes (‘Horizontal Gene Transfert’, HGT) joue un rôle important dans l’évolution des organismes.
De quoi s’agit-il ?
Dans le cas d’un transfert horizontal de gènes, un organisme incorpore dans son propre ADN l’ADN d’un autre organisme non apparenté.
Pourquoi est-ce important ?
Les gènes qui sont ainsi transférés d’une espèce à une autre sont utiles parce qu’ils apportent de nouvelles fonctions ou de nouvelles caractéristiques à l’espèce qui reçoit ces gènes en bonus. Cela permet aux organismes de s’adapter à leur environnement.
Par exemple, des gènes de virus ont façonné l’évolution des mammifères – environ 8 % du génome humain est d’origine virale. Certains insectes ont ‘volé’ un gène à leur plante préférée pour déjouer les mécanismes de défense de la plante. Les bactéries s’échangent des gènes de résistance aux antibiotiques et parfois aussi des gènes permettant de digérer les sushis…
Le transfert horizontal de gènes pourrait également avoir joué un rôle clé dans l’origine de la reproduction sexuée ! (Passez à ‘Des gènes en bonus – Histoire’)
Autres exemples: Horizontal Gene Transfer Happens More Often Than Anyone Thought (2022) / Slideshow: Examples of Eukaryotic Horizontal Gene Transfer (2022)
Les Japonais et les sushis : une histoire de bactéries
Transfert horizontal : bactérie marine – bactérie terrestre
Les Japonais consomment en moyenne 14 grammes d’algues par jour, dont l’algue rouge qui entoure certains sushis.
Ces algues contiennent des sucres complexes que seuls les Japonais peuvent digérer : pourquoi ?
Nos intestins contiennent quelque 10’000 milliards de bactéries: c’est ce que l’on appelle le microbiote intestinal. Ces bactéries participent activement à la digestion des aliments et en particulier à la digestion des sucres complexes, qui sont une source importante d’énergie.
Les Japonais sont les seuls à posséder une bactérie intestinale appelée B. plebeius. Or, cette bactérie a ‘volé’ plusieurs gènes à Z. galactanivorans, une bactérie marine présente sur les algues rouges. Et ces gènes permettent à B. plebeius de digérer les sucres complexes présents dans les algues rouges qui entourent les sushis !
Résultat : les Japonais sont les seuls à digérer correctement les sushis !
Le microbiote intestinal des Japonais s’est donc s’adapté à la présence des sucres complexes retrouvés dans les sushis et est capable de les digérer grâce (1) à la présence de la bactérie B. plebeius et (2) au transfert horizontal de gènes (et de compétences) entre des bactéries terrestres (B. plebeius) et des bactéries marines (Z. galactanivorans)…
A vous de jouer
Voici la séquence en acides aminés de la protéine codée par le gène PorB de B. plebeius. Cette protéine permet aux Japonais de digérer les sucres complexes retrouvés dans les algues des sushis.
>sp|B5CY92|P.plebeius MRKTVLYLSAASLFLSSYTLKNDKEYSLAEEHIKNLPEAPEGYKWVVNEDYTDEFNGKRL NAAKWHAKSPYWTNGRPPATFKAENVSVKKGCLRIINTVLSPTEGLDGKPGDKYRLAGGA VASVKNQAHYGYYETRMKASLTTMSSTFWLSNRPVMKEIMKGGKKIKTWSSQELDIIETM GIIRSVNPDNPWNKTWNMQMNSNTHYWYQEQGGKRTDNTAKRSDVVSYMTDPSAEDFHTY GCWWVDANTVKFYYDGKYMYTIKPTTKYTDTPFDRPMFIHIVTETYDWEKQVPTAEDLKD KDKSTTYYDWVRAYKLVPIEE
Question: A quelle protéine, de quelle autre espèce, ressemble-t-elle le plus ?
Pour répondre à cette question, il faut faire une ‘recherche de similarité’ à l’aide d’un outil bioinformatique appelé BLAST.
BLAST permet de comparer la séquence d’une protéine avec toutes les séquences qui se trouvent dans une banque de données et de retrouver, si elles existent, les séquences les plus similaires en quelques secondes. On peut ainsi savoir si une protéine existe chez une espèce donnée.
Mode d’emploi:
- Copier-coller la séquence dans l’outil BLAST d’UniProt: https://www.uniprot.org/blast
- Choisir ‘Target database’ : UniProtKB Swiss-Prot.
- Cliquer sur ‘Run Blast’
Réponse
La protéine PorB de B. plebeius est la plus similaire à la protéine PorE de Z. galactanivorans, une bactérie marine présente sur les algues rouges.
Cette similarité entre ces protéines confirme que le gène codant pour cette protéine a été transféré de la bactérie Z. galactanivorans, une bactérie marine, à B. plebeius, une bactérie terrestre, présente dans les intestins des Japonais.
Plus d’information
Transfer of carbohydrate-active enzymes from marine bacteria to Japanese gut microbiota (2010)
What we can learn from sushi: a review on seaweed-bacterial associations (2013)
Les Japonais ont des bactéries qui les aident à digérer les sushis (2010)
Pourquoi les Japonais digèrent bien les sushis (2010)
Pourquoi les Japonais digèrent-ils facilement les sushis ? (2010)
Les virus et les mammifères: une histoire de fusion
Transfert horizontal : virus – eucaryotes
Au cours de l’évolution, les vertébrés ont été exposés à de multiples vagues d’infection par des virus appelés rétrovirus, capables de s’intégrer dans l’ADN de l’hôte.
Certains rétrovirus se sont intégrés dans l’ADN des cellules germinales et ont ainsi pu être transférés aux générations suivantes.
Ces séquences ADN d’origine virale sont alors considérées comme « endogènes » et appelées pour cette raison ERV pour Endogenous RetroVirus. L’ADN de ces rétrovirus intégrés constitue aujourd’hui entre 8 et 10% du génome de l’homme et de la souris respectivement!
L’ADN de ces rétrovirus contient des gènes qui codent pour des protéines. Ces gènes rétroviraux sont donc restés fonctionnels depuis les millions d’années qui ont suivi leur intégration.
Pour les experts : L’homme possède environ 20’000 gènes. Voici la liste des quelque 80 gènes rétroviraux humains dans la banque de données UniProtKB.
Les syncitines
Parmi les protéines humaines produites par des séquences d’origine virale, on retrouve les syncytines.
Ces protéines ont des propriétés fusogènes et jouent un rôle important dans la fusion de certaines cellules de l’embryon, fusion qui est indispensable pour le développement du placenta.
Et le biberon?
Le placenta et la lactation sont deux éléments essentiels du développement des mammifères, et leur évolution est étroitement liée. L’évolution du placenta a permis le développement des nouveau-nés plus développés à la naissance, l’évolution de la lactation a permis de fournir une source de nourriture adaptée à ces nouveau-nés.
Résultat : Sans les virus et les transferts de gènes horizontaux, il n’y aurait peut-être pas eu de mammifères sur Terre !
A vous de jouer
Voici la séquence en acides aminés de la protéine syncytine de l’homme:
>sp|Q9UQF0|Syncytin-1 OS=Homo sapiens MALPYHIFLFTVLLPSFTLTAPPPCRCMTSSSPYQEFLWRMQRPGNIDAPSYRSLSKGTP TFTAHTHMPRNCYHSATLCMHANTHYWTGKMINPSCPGGLGVTVCWTYFTQTGMSDGGGV QDQAREKHVKEVISQLTRVHGTSSPYKGLDLSKLHETLRTHTRLVSLFNTTLTGLHEVSA QNPTNCWICLPLNFRPYVSIPVPEQWNNFSTEINTTSVLVGPLVSNLEITHTSNLTCVKF SNTTYTTNSQCIRWVTPPTQIVCLPSGIFFVCGTSAYRCLNGSSESMCFLSFLVPPMTIY TEQDLYSYVISKPRNKRVPILPFVIGAGVLGALGTGIGGITTSTQFYYKLSQELNGDMER VADSLVTLQDQLNSLAAVVLQNRRALDLLTAERGGTCLFLGEECCYYVNQSGIVTEKVKE IRDRIQRRAEELRNTGPWGLLSQWMPWILPFLGPLAAIILLLLFGPCIFNLLVNFVSSRI EAVKLQMEPKMQSKTKIYRRPLDRPASPRSDVNDIKGTPPEEISAAQPLLRPNSAGSS
Question: Chez quelles espèces retrouve-t-on une protéine similaire à la syncytine humaine ?
Pour répondre à cette question, il faut faire une ‘recherche de similarité’ à l’aide de l’outil BLAST.
Mode d’emploi:
- Copier-coller cette séquence dans l’outil BLAST d’UniProt: https://www.uniprot.org/blast
- Choisir ‘Target database’ : UniProtKB Swiss-Prot.
- Cliquer sur ‘Run Blast’.
Réponse
Les syncytines les plus similaires sont retrouvées chez des primates, puis chez des rétrovirus.
Un ancêtre des primates, ayant vécu il y a 45 à 70 millions d’années, a été infecté par un rétrovirus et a acquis ainsi les gènes codant pour les syncytines.
Les syncytines sont présentes chez tous les mammifères: la capture des gènes de syncytine s’est produite indépendamment à partir de différents rétrovirus dans les différentes lignées de mammifères, il y a environ 10 et 85 millions d’années. Les syncytines des autres mammifères diffèrent donc un peu et apparaissent plus ‘loin’ dans le résultat du BLAST.
Les plantes et les insectes : une histoire de riposte
Transfert horizontal : plante – insecte
Les insectes sont principalement herbivores. Une petite mouche blanche, B. tabaci, attaque plus de 600 espèces de plantes et provoque d’importantes pertes de récoltes dans le monde entier.
Pour se défendre contre les insectes ravageurs, certaines plantes fabriquent des insecticides, en particulier des molécules appelées glycosides phénoliques. Ces molécules affectent la croissance, le développement et le comportement des insectes herbivores.
Mais, à haute dose, ces molécules sont également toxiques pour la plante elle-même ! Pour se protéger, la plante qui produit ces molécules possède une protéine qui modifie les glycosides phénoliques. La plante peut ainsi stocker ces molécules sous une forme non toxique.
Une protéine similaire (gène BtPMaT1) a été retrouvée chez la mouche blanche B. tabaci. La présence du gène BtPMaT1 permet à l’insecte de neutraliser les glucosides phénoliques présents dans les plantes et de résister ainsi à l’insecticide de la plante !
(BtPMaT1 dans la banque de données UniProtKB)
La protéine BtPMaT1 de B. tabaci n’a pas d’homologue chez d’autres insectes, mais elle présente des similitudes importantes avec d’autres protéines d’origine végétale.
Une seule conclusion : le gène BtPMaT1 a été acquis ‘horizontalement’ par les mouches blanches à partir des plantes, il y a probablement quelque 86 millions d’années. Il a été transmis des plantes à la mouche blanche probablement via des infections virales, un processus naturel qui joue un rôle important dans les transferts horizontaux de gènes.
Résultat : Les transferts de gènes horizontaux ont permis à certains insectes de varier leur menu végétarien.
A vous de jouer
Voici la séquence en acides aminés de la protéine de la mouche blanche. Cette protéine permet à la mouche de résister à l’insecticide présent dans certaines plantes.
>sp|P0DUQ3|Bemisia tabaci MSISSSVAVLNVVQVSPPTAPVNNAFQDRISLTHFDLLALRAPPNQRLFFYETHLPISAF AETVIPKLRDSLSLTLQNFRPLAGTLIWSLHSDEPYIRIKDDDSVPLTIAETDADPQKLF DDPFQQETDLQQLLPPLRVSETEASLLALQITLFPSGDICLGITFHHAAQDGASLALFLK SWAHICRHGDDPPLPQNLIPIFDRDFIDDPKNIKQLFLDHLLTPLTPGGPRNRSVKPMEK PFNDRMHGSFRLTVDDIENLRRRITSLQVQNTSQEPPVRMSTVVVTCAYVLTCFVKAGLT KKHVRFILPADLRKRLQPPVPDNYYGNCVFGCTVDMSSDDLAGQDGLVVAAKTISSVVSE LDANDHRTFFENFLLNNTISQEETKVGVGGSIYFSLDEKDFGWGGPKHLKNVPPWPNHIY LAERRDGDKGVDFCLMLAKQEMAEFESKFLDDLKLLEKRSC
Question: à quelle protéine, de quelle espèce, ressemble-t-elle le plus ?
Pour répondre à cette question, il faut faire une ‘recherche de similarité’ à l’aide de l’outil BLAST.
Mode d’emploi:
- Copier-coller la séquence dans l’outil BLAST d’UniProt: https://www.uniprot.org/blast
- Choisir ‘Target database’ : UniProtKB Swiss-Prot.
- Cliquer sur ‘Run Blast’.
Réponse
La protéine BtPMaT1 de la mouche blanche B.tabaci ressemble le plus à elle-même…et à des protéines de plantes !